Kōji
Il adorait rester là à côté de lui,
fasciné par ces doigts virevoltants sur les cordes,
scotché sur l’instrument au si bizarre bruit.
C’est comme si cette guitare lui ouvrait des portes.
Très jeune, chaque jour, il attendait ce moment
d’être avec son père qui répétait ses chansons.
C’était magique. Il oubliait l’espace, le temps,
les yeux rivés sur cette main créant des sons.
Toute son enfance a vibré de cette musique :
partage quasi mystique d’un père et d’un fils,
parfaite osmose d’émotions prolifiques,
qui a marqué sa vie où ils étaient complices.
Mais le destin a frappé. L’icône s’est cassée.
Brutalement. Sans prévenir. Sentiment d’urgence.
Un jour après l’école, l’angoisse était montée :
les notes absentes ; la guitare muette ; le silence.
Où est son père ? Que fait-il ? C’est pas normal !
D’un pas hésitant, il entrouvre une porte, une autre.
Toujours personne. Puis la chambre. Il a déjà mal.
Son corps gît là inconscient, son visage très pâle.
Suite à ce drame, Kōji est mal, surtout le soir.
Son cœur meurtri par la culpabilité
d’avoir traîné dehors, d’être rentré trop tard,
pèse lourd, même s’il n’a jamais pleuré.
Muet dans un silence fermé à double tour,
il vit sa vie sans en parler jamais.
C’est sa façon d’être pour survivre tous les jours
avec la plaie qu’il cache, la douleur qu’il tait.
Il a de chouettes copains avec qui il pratique un sport.
Ses cours le passionnent, il s’y donne à fond.
Il aime sa mère, lui apporte du réconfort.
Et le temps passe, sans en remuer le fond.
Puis un jour, ça lui prend, il ressort la guitare
de son bel écrin. Il en caresse les cordes,
les effleure une à une. Ses pensées s’égarent.
Il bride ses doigts pour qu’aucun son ne sorte.
La nuit d’après, quand la lune est à son plus beau,
il fait un rêve, un de ces rêves venu du ciel :
son père occupé à écrire sur son bureau
s’est retourné, lui a souri de ses yeux pastels.
Cet échange de regards nimbé de lune,
furtif, mais clair, transfiguré par l’Amour
avait le goût sucré de la tarte aux prunes
que sa mère venait juste de sortir du four.
Le lendemain matin, au réveil, Kōji a pleuré.
Un long chapelet de larmes a coulé de ses yeux.
Puis le calme est revenu. La paix s’est installée.
L’enfant a compris le message venu des cieux.
Il sait désormais que son père est toujours là,
ce qu’il voulait dire à son fils adoré.
« J’ai attendu le moment depuis mon trépas
où tu m’accueillerais dans ton cœur blessé. »
Ce signe témoin de l’immanence/transcendance
a apaisé l’enfant qui à la Vie dit « Merci ».
Cette rencontre magique accentue l’Espérance,
répond à nos croyances, laisse nos cœurs ébahis.
Kōji. Il s’agit d’un prénom japonais masculin assez unique. Il se prononce «ko-o-dji». Kō peut signifier» prospère», «paix» ou «bonheur, bonne fortune», tandis que ji peut signifier « chef».
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