Svetlana
Elle était bien connue et appréciée dans tout le village.
Du haut de ses 18 ans, Svetlana avait du caractère.
Rentrée de l’école, elle passait souvent faire des ménages
chez des femmes malades ou des veuves de guerre.
Elle connaissait chaque rue, chaque ruelle, chaque coin
là-bas tout le monde s’appelait par son prénom.
Elle rendait mille services et se levait tôt matin
pour aider sa mère et ses « petits démons »…
Son père comme tous les autres était parti au combat.
Ils avaient décidé de reprendre la grand-mère chez eux.
Svetlana l’appréciait beaucoup : elle l’appelait « Mamouschka ».
Tous les soirs elle lui lavait les pieds et coiffait ses cheveux.
Tous vivaient comme ils le pouvaient en ces temps de conflit.
Ils étaient souvent réveillés la nuit par des tirs de mortier
qui rameutaient toute la marmaille dans le grand lit
en haut duquel trônait un crucifix et même un bénitier.
Svetlana dès qu’elle le pouvait partait aider les soignants
A l’hôpital de campagne où arrivaient les blessés.
Elle faisait classe à l’école le reste du temps
aux plus petits dont il fallait aussi s’occuper.
En famille, ils avaient choisi de bannir la télévision
pour ne plus voir les horreurs des bombes et leurs atrocités.
Souvent le soir plusieurs familles rejoignaient leur maison
et ça parlait du pays, du temps passé, en buvant du thé.
Un beau jour, un reporter de guerre du nom d’Emilio
est venu frapper à leur porte pour les interviewer.
Il ne parlait qu’anglais. Il était originaire du Lazio.
Après les présentations, ils se mirent à raconter.
Svetlana servait d’interprète et fidèlement lui rapportait
leur vie quotidienne, leurs préoccupations, leurs soucis.
Il voulait tout savoir et quel était leur plus cher souhait.
Entre les prises, on a mangé une grosse soupe de salsifis.
Sur le haut du buffet, à côté d’une photo en noir et blanc
De son frère, pour sa bravoure au combat distingué,
Une médaille garnit une soucoupe en émail blanc
Avec, à côté, une clochette fanée de muguet.
« On n’a plus de nouvelles », dit-elle à mi-voix.
« On est fier de lui. Pour nous, il est toujours là. »
Puis d’un geste lent, elle prit la médaille en croix
Et la mit dans la main d’Emilio qu’elle referma.
Très heureux de la rencontre, au terme de ces entretiens,
le reporter et son photographe remercièrent pour l’accueil.
Après avoir profité d’une douche qui fait tant de bien
Emilio s’en alla heureux avec une petite larme à l’œil.
Le soir tombait. Il faisait froid. Svetlana restait pensive.
Elle avait apprécié par cette visite impromptue.
Cet homme avait chassé d’un coup son humeur dépressive.
Son cœur battait plus fort : elle était très très émue.
Soudain le bruit sec d’une rafale fendit l’air du soir
Et la tira de sa torpeur. Elle repensa à son horoscope.
Le photographe envoya son message de désespoir :
« Coup de feu. Stop. Emilio touché. Stop. S.O.S. Stop. »
Le message fut vite intercepté, le blessé vite transporté.
Sur son lit étendu, Emilio ne pensait plus qu’à elle.
Dès qu’elle eut franchi la porte de la salle d’à côté,
Elle le reconnut. Son cœur se mit à battre de plus belle.
Elle s’approcha de lui et découvrit sa vilaine éraflure.
Il n’avait pas l’air trop mal, mais il accusait le coup.
Elle remonta le drap, caressa sa noire chevelure.
C’est alors qu’elle reconnut la médaille à son cou.
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