L’instant du procès
Après l’avoir tant appréhendé, ce soir-là
Était bien la veille du tant redouté procès.
Ce procès attendu et craint tout à la fois…
Demain subir encore ce calvaire du décès.
L’image qui m’obsédait de jour comme de nuit
Allait resurgir sous mes yeux cernés de bleu.
Les détails de l’accident et tout ce qui s’ensuit,
Il fallait les revivre désormais sous peu.
J’avais tout bien rangé avec soin dans mon mental.
Pour les vestiges de l’époque, témoins du drame,
Il n’avait fallu qu’une banale boîte en métal
Pour y enfouir les rappels qui jamais ne crament.
Avant d’affronter le regard de l’accusé,
Je voulais me refaire le fil de l’événement.
Comprendre enfin ce à quoi je fus confronté.
Ne pas se voiler la face. Accepter le déchirement.
Il était très tard. C’est quand le téléphone sonne
Ou quand l’on frappe à la porte à une heure indue
Que l’angoisse vous prend à la gorge et vous assomme.
C’est l’instant où l’on tombe vraiment des nues.
On n’entend plus, nos yeux brûlent, nos mains tremblent.
La lumière bleue explose en mille gouttelettes
Sous la pluie. L’air est blafard. Plus rien ne ressemble
À rien. C’est comme un raz de marée dans la tête.
Puis, on perçoit ci et là des bribes de phrases.
Nous disposons d’une résilience insoupçonnée
Qui prend le relais et répond à notre place.
Les faits prennent forme. Doucement, oui, on renaît.
Depuis cette nuit où le temps a foutu le camp
La vie a repris ses droits implacablement,
En dents de scie, bien acérées en dedans,
Un pas menant vers un autre, quoiqu’en claudiquant.
Il a fallu reconstruire, même si souvent
La vague était plus forte et jetait tout à néant.
La vie est un mur d’escalade bien éprouvant.
Parfois, on manque de magnésie et c’est pas marrant.
« Mesdames et messieurs, la cour ! » Cette fois, on y est.
« Faites entrer l’accusé. Maître, vous avez la parole. »
Pétrifié sur mon banc, j’essuyai mon front qui perlait.
Les yeux rivés sur mes pieds, je voulais être au sous-sol.
Regarde le bien en face ! T’es pas là pour flancher !
Un très bref instant, nos regards se sont croisés.
Alors, j'ai vu dans ses yeux une âme pure blessée
Qui criait son regret pour ce qui s'est passé.
La vie. La mort. Coupable. Innocent. Victime.
Cette question mille fois posée, ce soir, j'y réponds.
Qui suis-je pour juger ? Dans un sursaut ultime,
Je suis là juste pour ça : t’accorder mon pardon.
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